lundi, 18 novembre 2013

COMMUNIQUE DE PRESSE CONJOINT

Le renforcement des contrôles à la frontière gréco-turque oblige les personnes fuyant des conflits à prendre des routes de plus en plus dangereuses. Ceux et celles qui arrivent à traverser cette frontière européenne sont souvent victimes de refoulement, sont systématiquement enfermé.e.s. à leur arrivée dans des conditions inhumaines et dégradantes. L'Union européenne répond en renforçant les moyens de surveillance et d'interception, alors que l'urgence est à l'accueil et non à la criminalisation.

Tels sont les constats de nos organisations au retour d'une mission d'enquête en Grèce et en Turquie, où notre délégation a pu accéder à des centres de détention en Grèce et interviewer des personnes migrantes et réfugiées et relevé une série de violations avérées des droits des personnes à la frontière. Aucun des acteurs rencontrés durant notre mission et impliqués dans les différentes étapes du contrôle migratoire à la frontière gréco-turque ne peut ignorer cette situation.

En Grèce, les témoignages abondent de personnes victimes de refoulement par les gardes-côtes grecs, que ce soit en pleine mer, ou même une fois posé le pied sur le sol européen*. Ces gens n'apparaissent pas dans les statistiques. La délégation a pu s'entretenir avec ces invisibles qui ont témoigné des violences exercées par des gardes-côtes qui les brutalisent (femmes enceintes et enfants compris), et les volent (bijoux, argent, portables), en jetant leurs documents d'identité à l'eau, et les rejettent à la mer vers les côtes turques.

La réforme du droit de l’immigration et de l’asile en cours, censée remédier aux défaillances systémiques plusieurs fois sanctionnées par les cours européennes, cache mal la cacophonie qui règne sur l’identification des responsabilités une fois les migrant.e.s intercepté.e.s. Celles et ceux qui parviennent à rester sur le territoire sont enfermé.e.s sytématiquement par les autorités, y compris les mineurs non-accompagnés le temps de leur identification. La Grèce vient à nouveau d'être condamnée à ce propos. A celles et ceux qui sont libérés, la Grèce délivre une obligation de quitter le territoire sous 30 jours, aucun droit sur le territoire. Le taux d'acceptation des demandes d'asile est très faible et les attaques racistes en constante augmentation.
Afghans, Irakiens, Somaliens, Soudanais, Erythréens, Syriens, Palestiniens sont pris en étau entre la Grèce et la Turquie et utilisées comme faire valoir d'une politique de contrôle des frontières que l'Europe encourage.

En Turquie, l’adoption d’une loi sur les étrangers et la protection internationale en avril 2014 n’atténue que peu les craintes des associations notamment sur l’évolution des pratiques et l’obstination turque au maintien des réserves géographiques à la convention de Genève de 1951 qui écarte de la demande d’asile tous les ressortissants non européens. Annonciatrice de nombreux progrès, la nouvelle loi n’en demeure pas moins un miroir inquiétant des travers juridiques bien présents dans le droit européen qu’elle se targue de reproduire (multiplication des procédures accélérées des demandes d’asile ; enfermement pour les personnes en attente de leur renvoi jusqu’à 12 mois) Ces réformes sont le signe que la Turquie amorce un virage « à l’européenne » sans offrir toutes les garanties du respect des droits des personnes : difficile accès à la procédure d’asile notamment pour les personnes en centre de rétention, pas de loi sur la protection des données personnelles, enfermement des mineurs et des familles, absence d’accès à l'aide juridictionnelle. De plus, les autorités ont expulsé des centaines de syriens dès qu’ils ont commencé à arriver en Turquie.L’ambition de cette réforme trouve ses limites dans les manquements structurels de la Turquie à ses obligations  internationales. Mais elle butte aussi face au nombre important de celles et ceux qui ne peuvent entrer légalement en Europe et dont la Turquie a, in fine, la charge.

Que fait l'Europe ? Comment se positionne alors l’agence Frontex et derrière elle les institutions européennes lorsqu’elles sont témoins et participent, à tout le moins indirectement, à ces violations des droits humains?

A l’instar de Lampedusa, l'Union européenne a proposé à la Grèce un soutien essentiellement orienté sur la présence depuis plusieurs années de l'agence européenne de surveillance des frontières, Frontex, à la frontière maritime et terrestre gréco-turque. Cette présence n’a pourtant modifié ni les conditions d’accueil des migrants, ni la dangerosité de cette route migratoire. Et les violations des droits des personnes à la frontière continuent.

Du côté turc, la situation particulièrement préoccupante des migrant.e.s ne semble en aucun cas être un frein à la négociation d'un accord de réadmission entre l'UE et la Turquie, au financement de la construction de lieux d'enfermement, ni à la perspective d'une coopération entre les autorités turques et Frontex.

 

Ces dernières semaines, la tragédie au large des côtes de Lampedusa semble avoir réveillé les consciences sur la détresse des migrant.e.s qui essaient d’atteindre le territoire européen. L’UE envisage maintenant d’augmenter les capacités de Frontex pour faire face à cette situation. Or, nos organisations n’ont eu de cesse de répéter que la détresse des migrant.e.s et la dangerosité de leurs routes sont étroitement liées à l’absence d’alternative pour accéder au territoire européen, et aux conditions d’accueil insuffisantes à l'intérieur et aux frontières de l’Europe.

Le contrôle aux frontières ne sauve pas des vies mais conduit à la violation des droits - si ce n'est à la mort- d'hommes, de femmes et d'enfants.

Le rapport de la mission sera rendu public au premier trimestre 2014

FIDH, REMDH, Migreurop

Associations soutenant ce communiqué de presse : ABCDS Oujda (Maroc), AMDH (Mauritanie), AMDH (Maroc), AME  (Mali), ARACEM (Mali), ARCI (Italie), CIRÉ  (Belgique), CNCD 11.11.11. (Belgique), Fasti (France), FIDH (international), GADEM (Maroc), GISTI (France), GRAMI AC (réseau régional basé au Cameroun), Justice Sans Frontières Migrants (réseau euro africain), La Cimade (France), LDH Belgique, Migreurop (Europe Afrique), Progress Lawyer Network (Belgique), REMDH (régional-euro-méditerranéen)

 


* « Pushed back, systematic human rights violations against refugees in the Aegean sea and at the Greek Turkish borders”, Pro Asyl, novembre 2013 http://www.proasyl.de/fileadmin/fm-dam/l_EU_Fluechtlingspolitik/pushed_back_web_01.pdf

mardi, 22 octobre 2013

 Six jours après le « drame de Lampedusa », alors que le nombre de victimes ne cesse d’augmenter et que les recherches en mer continuent, la commissaire européenne aux affaires intérieures, Cecilia Malmström, transmet un message hypocrite et mensonger : la solution pour prévenir les morts en mer serait d'accélérer la mise en place d’Eurosur pour mieux surveiller les bateaux de réfugiés, et d’investir des ressources supplémentaires afin de lancer une grande opération de sauvetage en Méditerranée sous l’égide de l’agence Frontex.

Mais à quoi sert Frontex ? Pourquoi aucun secours n'a-t-il été porté au bateau qui a fait naufrage le 3 octobre à quelques miles marins de Lampedusa ? Comment, avec neuf patrouilles de la Guardia Costiera, une patrouille de la Guardia di Finanza, des bateaux militaires et des avions de surveillance, aucune information n'est-elle arrivée à temps sur l'île ? Jusqu'au 1er octobre 2013, un navire de la Guardia Civil espagnole mouillait à Lampedusa. Faisait-il partie de l’opération Hermes coordonnée par l'agence Frontex, le matin du drame ? Et si oui, que faisait-il pendant que des centaines de réfugiés se noyaient ?

Au lieu de poser ces questions, l’Italie et les institutions européennes indiquent qu’il est temps de "réévaluer" le rôle de l’agence Frontex et de lui donner plus de moyens. Mais qu’on ne s’y trompe pas ! L’agence Frontex a pour mandat la lutte contre l’immigration dite « clandestine » et non le sauvetage en mer. Augmenter ses opérations dans le canal de Sicile ne réduira pas le nombre de morts en mer : 3300 personnes auraient déjà trouvé la mort aux abords de l’île de Lampedusa (1) depuis 2002, alors que l’agence est en fonction depuis 2005 et que ses moyens sont passés de 19 millions d’euros en 2006 à environ 85 millions d’euros en 2013.

Même si les opérations d’interception en mer de Frontex sont souvent couplées à des opérations de sauvetage, le manque de transparence sur les activités de l'agence ne permet pas de savoir si ses patrouilles ont déjà véritablement sauvé des vies, ou si elles se sont contentées de signaler aux autorités les plus proches des embarcations en détresse. Au-delà, le partage des tâches entre l’Union européenne et les États membres est sciemment laissé dans l'opacité. Qui doit prendre en charge les migrants interceptés ou sauvés ? Qui, des États membres, de l'UE ou de Frontex, est garant du respect du droit d’asile et du principe international de non refoulement ? Ces incertitudes, et l'absence de procédures clairement définies, fragilisent gravement les opérations de sauvetage en laissant dans l'ombre la question des responsabilités.

La proposition de renforcer la présence de Frontex en Méditerranée, couplée à celle d’un renforcement de la coopération avec la Libye, révèle la volonté d’augmenter les patrouilles de l'agence européenne au large des côtes de Tripoli tout en externalisant la gestion des frontières. Cette politique entraînera un refoulement indirect des réfugiés vers la Libye où les droits humains des personnes migrantes sont notoirement bafoués (2) Une façon de reléguer loin des yeux offusqués de l'opinion européenne les futurs « drames de l’immigration ».

À l'heure où, une fois de plus, les responsables politiques des États membres et de l'Union européenne considèrent que la leçon à retenir du naufrage survenu à Lampedusa le 3 octobre est la nécessité de renforcer la surveillance des frontières, il est temps de s'élever contre cette fuite en avant et d'affirmer haut et fort : 'surveiller' n'est pas 'veiller sur'. On ne peut à la fois 'surveiller' les migrants en tant que flux à stopper et 'veiller sur' les migrants en tant qu'humains ayant besoin de protection. Dès lors jamais une politique de lutte contre l'immigration dite « clandestine » ne pourra être une politique respectueuse des droits des personnes.

8 Octobre 2013

CP-frontexit-091013-FR

Notes:

(1) Source : « 3300 migrants sont morts à Lampedusa depuis 2002 », Jean-Marc Manach, octobre 2013, article basé sur un recoupement des données d’United Against Racism et Fortress Europe

(2) « Libye, en finir avec la traque des migrants », Migreurop, FIDH, JSFM, juin 2012 ; « Scapegoat of fear : Rights of refugees, asylum seekers and migrants abused in Libya », Amnesty International, 20 juin 2013, Amnesty International, 20 juin 2013.

lundi, 09 septembre 2013

La campagne inter associative Frontex a été lancée en Mauritanie, en Tunisie et en Belgique.

Veuillez trouver le  pdf compte rendu du lancement de la campagne Frontexit le 28 mars 2013 à l'occasion du Forum Social Mondial de Tunis

Vous pouvez également retrouver le default compte rendu du lancement de Bruxelles du 20 mars 2013  ainsi que les vidéos de la conférence de l'après midi et l'action de la matinée.